21-07-2025
« Vendanges de la honte » en Champagne : prison ferme pour trois personnes qui étaient jugées pour traite d'êtres humains
C'était le procès de l'esclavagisme. D'un modèle qui rappelle « les heures sombres de l'Alabama », avait cinglé l'un des avocats de la défense. Le verdict est tombé ce lundi : trois personnes ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne à de la prison ferme pour avoir exploité et hébergé dans des conditions indignes une cinquantaine de travailleurs, souvent sans-papiers,
lors des vendanges 2023 dans le prestigieux vignoble champenois
.
Le tribunal a assez largement suivi les réquisitions présentées par le parquet lors du procès pour traite d'êtres humains,
qui s'est déroulé le 19 juin
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La principale prévenue, dirigeante de la société de prestations viticoles Anavim, également poursuivie pour travail dissimulé, emploi d'étrangers sans autorisation et avec une « rétribution inexistante ou insuffisante », a été condamnée à quatre ans de prison dont deux ferme avec mandat de dépôt.
Deux autres prévenus, des trentenaires accusés d'avoir participé au recrutement des vendangeurs en Île-de-France, ont été condamnés à un an de prison ferme et respectivement deux ans et un an de sursis.
Le président du tribunal a exigé la dissolution de la société Anavim, et a condamné une coopérative vinicole de la Marne, la Sarl Cerseuillat de la Gravelle, à une amende de 75 000 euros.
Le procureur avait requis la dissolution d'Anavim et une amende de 200 000 euros pour la coopérative qui s'est laissée séduire par des prix « extrêmement concurrentiels ».
La gérante d'Anavim, originaire du Kirghizistan, avait nié lors de l'audience être à l'origine des conditions d'hébergement des vendangeurs, renvoyant la balle aux deux autres prévenus.
En septembre 2023, l'inspection du travail avait procédé à un contrôle de l'hébergement mis à disposition des vendangeurs par Anavim à Nesle-le-Repons, au sud-ouest de Reims, et constaté des conditions de vie portant « gravement atteinte » à leur sécurité, leur santé et leur dignité.
Cet hébergement a ensuite été fermé par la préfecture, qui y avait constaté « des literies de fortune », « l'état répugnant des toilettes, sanitaires et lieux communs » et des installations électriques dangereuses.
« Ils nous mettent dans un bâtiment abandonné, pas de nourriture, pas d'eau, rien du tout. Et puis on nous amène (…) pour faire des vendanges de 5h00 du matin jusqu'à 6h00 du soir », avait témoigné auprès de l'AFP Modibo Sidibe lors du procès.
Une autre victime, Camara Sikou, avait répondu au tribunal qui lui demandait comment ils avaient été traités : « comme des esclaves ».